Titre : Sans titre
Artiste : Robert Roussil (1925-2013)
Année de création : 1984
Année de l'installation : 2022
Emplacement : parc Louis-Querbes
Matériaux : sapin de Douglas
Dimensions : Plus de quatre mètres de hauteur et plus de deux mètres de largeur
Symbolique de l'œuvre
D’apparence brute, cette sculpture prend la forme d’un animal non identifié. Elle se divise en trois sections : une partie inférieure constituée de quatre longues pattes, un tronc cylindrique composé de 19 anneaux en bois superposés (confectionnés à partir de l’assemblage de petits morceaux de bois) et une partie supérieure qui reprend la forme d’un panache d’orignal.
Contexte de création
Sans titre (1984) fait partie des explorations de l’artiste centrées sur la monumentalité sculpturale et le langage modulaire. Il s’agit d’une production unique qui condense les intérêts formels de l’artiste du début des années 1980.
À l’opposé d’une production intéressée par l’univers de la machine que Roussil amorce vers la fin des années 1970, Sans titre puise dans le registre naturel de l’univers animalier et du fantastique. Parmi les thèmes et inspirations visuels de l’artiste près de la nature, l’on retrouve les semences, la germination, l’éclosion, la croissance, l’énergie et la puissante. Sans titre se glisse dans ce répertoire, évoquant les forces vitales de la nature.
La forme animale, facilement repérable aux quatre pattes et à la partie supérieure cornue, se trouve dans certaines œuvres exécutées lors de cette même période, dont la sculpture de bronze intitulée Cactus modulaire (1986). À l’instar de plusieurs de ses œuvres signalétiques réalisées dans les années 1980, ces dernières sont coiffées d’un casque de sorcier, de cornes ou d’une flamme. L’une des distinctions de l’ensemble de cinq sculptures auquel appartient Sans titre repose sur son traitement plus brut. Les madriers de bois ont été assemblés grâce à des agrafes métalliques bien apparentes.
Ainsi, les courbes que permet la fonte dans le cas de Cactus modulaire ne se retrouvent pas dans cet ensemble de cinq œuvres. Mais, pour donner de la rondeur aux troncs de ces bêtes étranges, Roussil a élaboré un assemblage de morceaux de bois que l’on peut aussi observer dans son œuvre/environnement réalisé spécifiquement pour le toit du Centre national d’art contemporain de Nice, d’ailleurs élaboré en 1984, la même année que Sans titre. Les photographies d’époque de cet environnement sculptural en France donnent à voir une multitude de sculptures en bois, d’échelles diverses, qui fonctionnent comme un monde cohérent réalisé à partir du même langage et d’un même matériau.
En ce qui a trait spécifiquement aux cinq créatures auxquelles appartient Sans titre, Roussil les a réalisées en s’assurant qu’elles se ressemblent sans être identiques. Leur tronc varie en hauteur selon le nombre de disques utilisés. Deux sculptures sur cinq comportent plutôt une ressemblance avec le corps humain, car elles ont deux bras et une tête. Pour les trois autres, dont celle offerte en don au Musée d’art de Joliette (MAJ), le rapport à l’animal est plus évident en raison de leur partie supérieure cornue. L’ensemble démontre l’intérêt de l’artiste pour la modulation à partir de certaines formes et configurations de base. Cette œuvre s’inscrit dans les préoccupations de l’artiste autour de la monumentalité alors qu’il conçoit des environnements sculpturaux extérieurs à partir de plusieurs sculptures qu’il dispose dans un même lieu pour l’habiter et le peupler de formes singulières.
Biographie de l'artiste
Robert Roussil s’enrôle dans l’armée canadienne de 1943 à 1945 . À son retour de la guerre en Europe, il étudie à l’École du Musée des beaux-arts de Montréal. Arthur Lismer (1885-1969), professeur et directeur, l’encourage à poursuivre une carrière de sculpteur et l’engage pour enseigner la sculpture sur pierre. En 1949, sa sculpture en bois, La famille, présentant un homme et une femme nus, est mise sous séquestre par la police et il perd son emploi.
Son franc-parler, son discours social, ses relations avec les militants du Parti communiste canadien et la liberté de sa production artistique font qu’il se bute souvent à la censure. Roussil se définit comme un artisan entrepreneur agissant à l’extérieur du système des galeries, optant plutôt pour une relation directe avec le client. Pour lui, l’essentiel est de vivre de l’art et de faire de l’art une manière de vivre. L’art doit être dans la rue et l’artiste doit être anarchiste. Sa participation active à la création de la Place des arts (1947-1954) démontre son intérêt pour l’action et les échanges d’idées sans censure.
Artiste incontournable associé au développement de la sculpture contemporaine au Québec, il réalise des sculptures principalement en bois et en fonte. Il s’intéresse aux sculptures habitables et conçoit des structures monumentales et modulaires qui remettent en question, parfois de manière controversée, la fonction des espaces publics et privés. Ses œuvres, souvent de grandes dimensions, sont exposées sur la place publique, aussi bien au Québec qu’en France. On en trouve quelques-unes dans la ville de Montréal et dans les environs. Roussil a aussi réalisé un ensemble monumental de sculptures sur le toit d’une usine d’épuration d’eau à Saint-Laurent-du-Var en France.
En 1952, alors qu’il participe au Congrès des peuples pour la paix, il est séduit par l’idée de créer des parcs d’œuvres monumentales à travers le monde et des symposiums internationaux afin de permettre aux sculpteurs de travailler à des œuvres de grandes dimensions. Il sera à l’origine du Symposium international de sculpture de Montréal de 1964. Il s’est d’ailleurs battu pour une vision de l’art public présente dans le quotidien des gens.
En 1956, Roussil quitte Montréal et s’installe définitivement dans un moulin abandonné de Tourettes- sur-Loup en France, lieu qu’il transforme en jardin de sculptures. Sculpteur avant tout, Roussil réalise également des œuvres sur papier. Artiste prolifique, il sera actif tout au long de sa vie.
Références
Julie Alary Lavallée, conservatrice des collections, Musée d’art de Joliette.
Robert Roussil, Biographie. Page repérée au : http://robertroussil.com/Robert_Roussil/Bio.html.